Une session liturgique fort enrichissante

L’art du bouquet au service de la liturgie

Au-delà de sa beauté, le bouquet liturgique a une dimension évangélisatrice. Elaboré à partir d’une lecture approfondie de la Parole du dimanche, il conduit celui qui se laisse émerveiller et interpeler à en saisir la pointe car il est la traduction visible de l’invisible. Par sa symbolique, il amène à la prière, à la contemplation, à la rencontre de Dieu.

Un bel exemple, l’Evangile de la Transfiguration

Nous étions une vingtaine, samedi dernier, à réfléchir sur cette dimension liturgique du bouquet, accompagnés par Père José et Edwige Krob. Le texte de la Parole choisi était celui de l’Evangile de la Transfiguration (Mc 9, 2-10): nous retrouverons cet Evangile au deuxième dimanche de Carême (25 février) et à la fête de la Transfiguration (mardi 6 août). Deux temps liturgiques différents, deux époques de l’année contrastées. Nous avons d’abord prié dans l’église St Louis, et médité ce passage d’Evangile face au magnifique vitrail de la Transfiguration,œuvre d’Alban de Chateauvieux, qui illumine le chœur et l’église toute entière (image 1). P. José nous a donné beaucoup d’éléments explicatifs pour comprendre comment le créateur du vitrail a traduit, avec sa propre sensibilité et son art, ce que le texte nous dit de cet évènement qui a tant marqué les apôtres.

Des bouquets en accord avec la nature

Puis Edwige a magistralement traduit cet Evangile par deux propositions de bouquet, adaptées à chaque moment de l’année. Elle professe un profond respect de la nature, en accord avec les enseignements de l’Encyclique du pape François “Laudato Si”; les matériaux choisis sont simples, on les trouve aisément dans la nature, et les végétaux sont de saison, autant que faire se peut.

Le mieux est l’ennemi du bien

Dans la composition du deuxième dimanche de Carême (photo 2), la montagne est figurée par un bloc d’ardoise élancé (les monts Sinaï de Moïse et Horeb d’Elie); le temps de carême nous conduit à la croix, branches nues de cognassier du Japon, qui portent des boutons de fleurs (promesse de résurrection). Au pied, deux éclats de bois cordiformes rappellent le cœur à cœur que les apôtres et nous-mêmes entretenons avec le Seigneur et renvoient à la Parole qui nous est directement adressée par Dieu : “Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le”. Quelques tiges de monnaie-du-pape translucides et nacrées (la nuée) auraient pu compléter cette composition. Mais, nuisant à la lisibilité de l’ensemble, elles ont été écartées.

Une composition florale qui questionne

A la fête de la Transfiguration (photo 3), en août, la nature sera épanouie et florissante. Au pied de la croix, un grand vase blanc élancé suggère la montagne, lieu de la transfiguration annonciatrice de la résurrection et de la Croix glorieuse célébrée quarante jours plus tard le 14 septembre. Un plus petit devant évoque la vie terrestre de Jésus; entre les deux, un cep aux nombreux sarments annonce l’Eucharistie, le corps donné de Jésus avant sa passion. Les lys et les delphiniums blancs, lumineux, font saisir le lien d’amour entre le père et le fils, les épis à peine éclos de miscanthus annoncent la fécondité de la parole par la multitude à venir de leurs graines. Le lys du petit vase blanc figurerait-il Marie, au pied de la croix, transfigurée par son Fils depuis son “oui” à l’Annonciation ? Une œuvre inspirée questionne, elle ouvre toujours un espace d’interprétation qui fait bouger celui qui la contemple.

Une offrande au créateur

Ainsi conçu à partir d’une méditation précise de la Parole, le bouquet prend toute sa place dans la liturgie. Il contribue à la dignité et à la beauté de la célébration, comme l’a évoqué Saint Jean-Paul II, dans la lettre apostolique Vicesimus quintus annus sur l’application de la réforme liturgique annoncée par la constitution Sacrosanctum Concilium: « Les signes, surtout les signes sacramentels, doivent avoir la plus grande expressivité. Le pain et le vin, l’eau et l’huile, mais aussi l’encens, les cendres, le feu et les fleurs et presque tous les éléments de la création ont leur place dans la liturgie comme une offrande au Créateur et contribuent à la dignité et à la beauté de la célébration. »
Pierre Malvoisin