Père Georges AZAR

 

Bonjour Père Georges AZAR !

Vous êtes à Fontainebleau depuis début septembre …

Présentez-vous !

Je suis né le 15 novembre 1977, à Beyrouth, et j’ai grandi « dans la guerre ».   

Je suis chrétien maronite, c’est-à-dire catholique oriental !

J’ai une sœur qui vit aujourd’hui à Paris, avec ses quatre garçons. Ils sont arrivés après l’explosion du port de Beyrouth… et mes parents les y ont rejoint.

J’ai effectué ma scolarité primaire chez les sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie (congrégation d’inspiration jésuite) puis, de la sixième à la terminale, au collège/lycée laïc.

Mes parents nous ont offert beaucoup d’occasions de découvrir le monde et j’ai effectué mon premier voyage en France, en 1989 : c’est sans nul doute le pays qui m’a le plus marqué.

 

Quelles sont les racines de votre vocation ? 

Sans doute ai-je subi la réelle influence de ma grand-mère maternelle que j’accompagnais très souvent à la messe.

C’est vers 7/8 ans que j’ai senti, de manière diffuse, l’envie de devenir prêtre (sans même savoir qu’il y avait un appel de Dieu).

Avant même d’obtenir mon baccalauréat, je « vole » la voiture de ma mère pour me rendre dans un couvent de moines Antonins maronites, congrégation implantée à quelques kilomètres de la maison parentale. J’y suis allé puisque j’ignorais, alors, la différence entre un prêtre et un religieux !… Et là, je me retrouve … devant un portail fermé !!

Je retourne à la maison et j’en conclue qu’il s’agit sans doute là d’un signe de Dieu : peut-être faut-il attendre ?!.

Quel genre d’adolescent étiez-vous ? 

Je n’étais pas très sociable, à l’époque, très réservé, avec une personnalité assez renfermée.

Au pays du Cèdre, les circonstances extérieures n’étaient guère favorables, en ce temps-là, à une vie sociale intense : nous avons grandi « à l’abri »…

Après la guerre, et plus spécifiquement en 1994, nous avons changé de paroisse et je me suis impliqué dans notre nouvelle communauté. Le prêtre responsable d’alors (aujourd’hui évêque des maronites au Brésil) m’a beaucoup aidé dans mon cheminement spirituel, d’une manière saine et très profonde…

J’ai, par ailleurs, entrepris un gros travail sur moi, pour essayer de tourner la page du passé et devenir une personne « normale » car il faut bien admettre que la guerre fait grandir des enfants « anormaux » … malgré tout l’amour que mes parents ont déployé pour nous protéger.

Ma personnalité s’est ouverte, je me suis épanoui … et la vie va alors m’entrainer « ailleurs ».

J’entreprends, après l’obtention de mon Bac, des études d’économie à l’Université catholique Notre Dame University (NDU)… et je vis à fond « en long, en large … et en travers », dans tous les domaines et sur tous les plans !

Je commence également un beau parcours professionnel dans le secteur de la finance et des banques, puis des assurances.

Jusqu’au jour où …

Oui ! Le 26 janvier 2009 : cette date va me marquer à vieJe subis ce qui se révèlera être un « déclic » majeur

Mon petit neveu – qui n’a que 2 ans – fait un arrêt cardiaque : c’est le fils ainé de ma sœur … qui a déjà perdu, auparavant, un bébé – à 8 mois de grossesse…

Là – confronté à la mort, je me prends une claque en pleine figure !

Ce drame me laisse perplexe, « douteux » …

Son grand-père paternel décède un mois plus tard…

Face à ces questions existentielles, je ne crois même plus en l’existence de Dieu !

 

De Kinshasa … au séminaire ! 

Quelques mois plus tard, en septembre 2009, je « plaque tout »

et je pars à Kinshasa …

Je travaille, dans une centrale d’achats et de logistique dirigée par un libanais et je gagne bien ma vie … mais la question du « pourquoi ?» ne cesse de me tarauder !

Nous vivons à 5 libanais dans une maison, sans électricité, durant des week-ends entiers où il n’y a pas grand-chose à faire … et les échanges que nous pouvons avoir offrent également de longs moments de solitude.

Loin de chez moi, je commence à faire une lecture introspective et rétrospective de ma vie.

Je prends conscience d’une « Présence » permanente – qui échappe aux sens humains … avec laquelle je commence des « conversations intérieures », de plus en plus longues et de plus en plus fréquentes …       Dans les moments les plus difficiles, je réalise qu’il y a toujours eu une « Force », une « Grâce » – je ne savais pas comment la nommer – qui m’avait soutenu tout au long de mon existence et que je pouvais «sentir».

Durant près de 3 ans, en République Démocratique du Congo – c’est long 3 ans !! – j’ai ainsi rebâti cette relation qui avait été perdue avec Dieu à cause de la mort de mon neveu …

 

En mars 2012, je romps mon contrat de travail – de façon « non éthique » – et je trouve un prétexte pour rentrer au Liban …

Je commence à « ouvrir des portes » et mon cœur s’ouvre à l’appel sacerdotal…

Tandis que je commence les démarches avec le recteur du séminaire de Beyrouth, mon ex-patron entreprend une démarche judiciaire pour rupture abusive du contrat qui nous liait et réclame le versement d’indemnités colossales !

Le camarade avocat auquel je m’adresse pour défendre le dossier m’apprend qu’il connait très bien le cabinet opposant… et que l’avocat de la partie adverse est l’un de meilleurs amis !

L’affaire, mal engagée, va connaitre un dénouement extraordinaire : après des « pourparlers » entre juristes, je suis libéré de mon engagement professionnel et condamné à verser des indemnités dérisoires eu égard à mon abandon de poste !

 J’y vois vraiment un « signe » et je rentre au séminaire.

Durant mes 7 années au séminaire de Ghazir, je suis proche de mon ancien évêque de Beyrouth, Mgr Paul Matar, qui me choisit comme secrétaire particulier, avant même mon ordination diaconale !

Il termine son mandat en juillet 2019, juste après m’avoir ordonné prêtre le 8 juin 2019, non sans m’avoir au préalable annoncé, quelques mois plus tôt (février 2019) qu’il souhaitait me faire bénéficier d’une des différentes bourses octroyées, chaque année,

par la France aux prêtres maronites libanais.

Le 2 septembre 2019, vous arrivez donc en France !

Oui, pour suivre un Master de Droit Canonique à l’Institut Catholique de Paris.

En parallèle, j’assure un service (en rite maronite***) à la paroisse Saint Jean Maroun de Montigny-le-Bretonneux, pour la communauté libanaise de Versailles et alentours.

Retour à Beyrouth… 

En juin 2022, l’évêque qui a pris la succession me convoque et je me vois dans l’obligation de rentrer, à contre cœur.

Je suis alors nommé vicaire dans une paroisse et économe dans une école de la capitale libanaise… mais il est convenu, qu’au terme d’une année, nous refassions le point…

Après « négociations » serrées, il accepte, au bout d’un an que je retourne « en mission » en France, à condition « que je fasse toutes les démarches nécessaires »

… Avant d’intégrer le Pôle Missionnaire de Fontainebleau 

Monseigneur Crépy, évêque de Versailles, que j’avais connu lors de mon ministère dans les Yvelines, m’oriente vers son confrère de Meaux, Mgr Nahmias qui me propose d’intégrer l’équipe sacerdotale de Fontainebleau.

Quelles sont les responsabilités qui vous ont été confiées par le Père José ?

Je suis vicaire sur le Pôle et, avec le Père Do, plus spécialement en charge du secteur Chailly/Perthes

Je suis également aumônier du lycée Blanche de Castille et de l’école Saint Louis, ainsi que du groupe Scouts d’Europe de Fontainebleau et, depuis peu, des Louvettes !
Par ailleurs, je suis également en charge d’une équipe Notre Dame.

Sur un plan universitaire, je suis en phase de rédaction de mon Mémoire à La Catho …

Propos recueillis par Catherine Philippe

*** La langue liturgique est le syriaque, dialecte dérivé de l’araméen.

NB : Le Père Georges parle arabe, français et anglais.

Il a, en outre, étudié l’hébreu, le latin et le grec durant son parcours de formation au sacerdoce.

 

Le Liban compte 4 millions d’habitants libanais, (30% de chrétiens, 70% de musulmans environ) sur un petit territoire qui équivaut à moins de 2 fois la Seine et Marne.

A cela, il faut ajouter 1 million de réfugiés palestiniens et 2 millions de réfugiés syriens (par manque d’outils statistiques, ces chiffres sont approximatifs)

 

La constitution du pays est pluri-confessionnelle, avec un système politique fondé sur la répartition des pouvoirs proportionnelle au poids démographique de chaque confession, selon la Constitution de 1926, puis les Accords inter-libanais de Taëf qui datent de 1989.

Le pays est composé de nombreuses communautés que rien n’unit et qui sont traversées par de vives tensions.