Abbé BINET, un prêtre dans la Résistance
Dans le cadre de la commémoration du 80e anniversaire de la Libération de notre région,
André Binet, curé de St-Fargeau puis d’Héricy, fut nommé curé de Chartrettes en 1942. Il deviendra curé de Bois-le-Roi en 1946 après la guerre, à la mort de l’abbé Vincent. Très actif, n’ayant peur de rien, il avait une réputation de tête brulée. Déjà engagé dans la résistance, il fut immédiatement contacté en arrivant à Chartrettes pour des parachutages d’armes près de Sivry. Dès le début, il repéra un réseau d’écoute et démantela les stratagèmes des allemands qui repéraient des « types » près de leur poste émetteur et les laissaient croire qu’ils correspondaient avec les anglais. « Ils ont pris quantité de braves types qui croyaient véritablement parler avec les anglais. »
Binet cherchait tous les renseignements valables avec le plus de précision possible. Il tenait à jour une liste détaillée des miliciens, gens qu’il jugeait dangereux. Son activité était très diversifiée : il apportait de la viande du boucher aux maquisards, il organisait des passages de prisonniers en zone libre, il créait de fausses cartes d’identité, des tracts, il diffusait des journaux clandestins puis peu à peu il fut amené à recevoir des aviateurs anglais, canadiens, australiens, qui avaient été abattus dans la région par la DCA allemande de Vaux le Pénil.
La région était très surveillée, surtout entre Chartrettes et Livry. La Wehr s’était installée d’abord à l’écluse de Bois-le-roi où l’abbé était allé faire un tour de prospection, déguisé en cueilleur de fleurs pour le catéchisme, et viré par un soldat allemand. Puis elle s’était installée définitivement à Chartrettes, au Château des Tilleuls juste en face du presbytère : « J’avais presque toujours des gens qui venaient m’espionner à l’église » et un jour le chef de la Milice de Melun vint lui-même dans la sacristie et l’abbé lui dit ce qu’il pensait de lui d’une façon « pas très charitable ».
Il fut arrêté une première fois le 15 janvier 1944 en allant faire le catéchisme et emmené à la prison de Fontainebleau qu’il surnommait « l’hôtellerie de la Rue Sergent-Perrier ».
Relâché, très surveillé à la messe par un homme de la Gestapo de Melun et parfois par des miliciens, il reprit ses activités. Il reçut beaucoup de juifs venant des trains bombardés. Il avait un circuit d’italiens « qui allaient chanter à la messe » à Livry. Grâce à eux, il put repérer le stock de bombes et de torpilles de Livry, savoir combien on en amenait dans la semaine ou la quinzaine. Il dissuada les Anglais de faire sauter le stock et ce sont les Allemands qui, ne pouvant tout emporter, firent sauter ce qu’il restait, le 22 août. Ce fut impressionnant mais le pire avait été évité.
Ce renseignement lui vaudra d’être arrêté une deuxième fois le 3 août 1944. Korpf à son arrivée à Fontainebleau : « Cher Binet, on se retrouve ?». Korpf voulait savoir le nom des résistants. Binet « mentit pour tout le restant de sa vie », mais fut torturé pendant 90h. Il resta au cachot sans voir personne. Dans l’après-midi du 17 août 1944, par un temps très chaud, le chef des SS vint embarquer 14 prisonniers. Ils étaient appelés un par un, « Binet-oui-André- oui-1901-oui-Descendez ! » La camionnette était comble. Ils furent quelques-uns à remonter dans leur cellule. L’abbé Binet se mit à échafauder un plan d’évasion simpliste avec ses camarades qui consistait à assommer le gardien Willy et à essayer d’abattre le chef des SS. Puis il dit la messe et se confia à la Vierge Marie. La camionnette ne revenait pas. Le matin du 18 août, Willy lui apportait un papier à lire que Binet traduisit de manière fantaisiste en lui racontant que les gardiens allaient être massacrés, que les Américains étaient là, il fallait les libérer et il fallait fuir. Mais Willy resta de marbre, et l’après-midi s’écoula. Le soir du 18 août 1944, l’abbé Binet fut libéré.
Le curé de Bois -le-Roi fit réaliser un vitrail dans son église en souvenir de ce « miracle ».
Binet reçut la médaille de la Résistance et la Reconnaissance alliée.
Michèle Saliot, 2024.
D’après les sources de Marc Girault, Yvon Dupart, Françoise Parize.