Témoignage de Claude – Equipe obsèques

Bonjour, Claude !

Votre parcours professionnel varié a été marqué par une propension à aller « au contact » avec les gens : cela a-t-il été un élément déterminant dans la responsabilité bénévole qui est, à présent, la vôtre, dans l’équipe obsèques du pôle ?

(Sourire) Oui, c’est vrai, en management, il faut savoir écouter !

Mais, en réalité, lorsque j’ai pris ma retraite, je n’avais pas de projets précis … si ce n’est de faire confiance à l’Esprit Saint. Celui-ci s’est manifesté à travers les propositions qui m’ont alors été faites par le Père José !

Je suis entré au Conseil d’Administration du Bois Fleuri (dont je suis, depuis, devenu Président) … et comme on cherchait quelqu’un pour le service des funérailles sur Avon, j’ai été directement sollicité, à ma grande surprise, car je n’avais aucune « prédisposition », même si j’avais suivi, avec mon épouse, un Parcours Zachée (proposé par la Communauté de l’Emmanuel à ceux qui désirent approfondir et unifier leur vie chrétienne dans sa dimension quotidienne, qu’elle soit familiale, professionnelle, sociale et environnementale).

C’est Philippe Meillan qui m’a formé … d’autant plus vite que je me suis retrouvé rapidement « Célébrant » (sans passer par la case « Assistant ») car le covid est arrivé à ce moment-là et j’ai dû plonger directement « dans le bain », face à des familles très éprouvées par le décès d’un proche auquel beaucoup n’avaient pas pu dire « au revoir », rajoutant une détresse supplémentaire au départ de l’être aimé.

 

Avec quelques années de recul, comment voyez-vous cet accompagnement aujourd’hui ?
 Le Seigneur nous met sur un chemin, on essaye de suivre et de comprendre …

La richesse de ce parcours, c’est d’abord, à chaque fois, une rencontre. RENCONTRE avec une famille en deuil : on rentre dans une histoire, dans un itinéraire spécifique, dans un passé particulier (d’autant plus que l’on a souvent à faire à des enfants – devenus adultes – qui viennent de perdre un père ou une mère).

On se trouve soudain projeté dans la vie des autres : parentèle unie ou déchirée, individus croyants ou incroyants (NB : ce sont souvent les parents, plus âgés, qui ont demandé à avoir une célébration religieuse … tandis que les générations suivantes ont pris des distances vis-à-vis de l’Eglise).

   Vient ensuite, dans une deuxième étape, le temps de la préparation de l’office lui-même : on choisit les textes, les chants, les gestes forts. Il y a un côté pédagogique car il faut arriver à combiner l’ensemble ! On offre un espace d’écoute, on se laisse porter par les attentes diverses des familles, par les souhaits simples ou plus confus des uns ou des autres. On explique le déroulé, on règle les détails pratiques : il y a souvent une vraie curiosité. L’on est parfois interpellé sur qui on est : prêtre ou pas prêtre ?

Durant la célébration en tant que telle, on a alors ainsi toute la place pour le spirituel, puisque ce qui est contrainte logistique a été prévu en amont.

L’on confie les participants, la ou le défunt, à l’Espérance chrétienne – notamment dans le commentaire où je témoigne de ma Foi.

C’est une mission d’Evangélisation !

Les familles repartent apaisées, le plus souvent…

Si les intéressées en expriment le désir, on peut aller au cimetière … où il se vit encore des moments très forts.

   Et après ? Quelque chose est passé de ce que l’on a essayé de transmettre ! Il y a des regards interrogateurs, une parole de gratitude, un mot de remerciements : « Moi, je n’étais pas croyant, mais cette célébration m’a plu » … « C’était mieux que ce à quoi on avait pensé ».

Je continue à porter les personnes dans la prière durant les jours qui suivent, ainsi qu’à la messe du dimanche…

C’est un service qui demande une réelle disponibilité : quand un office est « annoncé », cela devient une priorité de la semaine qui vient nous habiter.

Je pense toujours que, quelque part, les gens me sont « donnés » et j’ai un moment particulier à leur accorder, avec beaucoup d’humilité car beaucoup de choses ne nous appartiennent pas… mais pour chacune des familles, il s’agit d’un évènement unique (la mort d’un père ou d’une mère).

Avez-vous des souvenirs marquants, des moments plus difficiles ?

Oui, bien sûr … Il y a des situations plus douloureuses que d’autres encore. Parmi les situations traumatisantes, j’ai en mémoire la préparation, avec le Père José, du décès d’un enfant de deux ans et demi, dont les parents étaient en plein divorce…

Nous faisons face, dans certains cas, à des demandes très particulières pour lesquelles le Père José constitue alors une ressource et une aide très précieuse.

Parfois, ce sont des personnes seules, très isolées qui nous touchent, avec des réactions parfois surprenantes, mais sur lesquelles nous ne portons aucun jugement : « Je serai seul avec ma sœur, mais elle n’assistera pas ! » ou « Dés que vous commencerez, je m’en irais ! » Il arrive que notre présence soit la seule auprès du cercueil.

Personnellement, je n’aime pas quand la célébration se déroule au funérarium, ce qui s’est produit fréquemment durant la période covid ! Le Seigneur est partout, me direz-vous (!)… mais je préfère le cadre d’une église qui est plus porteur : on se sent chez nous, d’une certaine façon.

 

Quels sont les autres aspects que vous retenez ?

Cela nous permet aussi, à nous, chrétiens, de nous former de nourrir notre foi. (sessions, lectures, etc …)

L’équipe se retrouve une fois par trimestre autour de Philippe Meillan pour un commentaire de textes.

Cela constitue également un groupe de parole qui nous permet d’échanger, de partager ce que nous avons vécu et la façon dont nous l’avons vécu.

Des temps de réflexion, le dernier était animé par le Père Guillaume d’Anselme, de la Communauté Saint Martin, sont proposés à l’ensemble des équipes obsèques (une soixantaine de personnes, sur tous les clochers du pôle). Nous avons eu une journée de récollection chez les Petites sœurs de Bethléem, au monastère de Poligny et une trentaine d’entre nous va se retrouver prochainement à Montligeon…

Nous sommes un service d’Eglise.

 

Le mot de la fin, Claude ?

  Avec une pointe d’humour (!), comme dans le film Les Blues Brothers (comédie musicale américaine sortie sur les écrans en 1980) qui retrace les frasques rocambolesques de deux malfrats délinquants : apprenant que l’institution religieuse surendettée dans laquelle ils ont grandi est sur le point d’être rasée, ils décident de partir récolter les sommes nécessaires à la survie de l’établissement.  Je reprendrai le leitmotiv qu’ils clament, de façon récurrente, pour justifier leurs exactions, lorsqu’ils sont constamment à deux doigts de se faire prendre : « Nous sommes en mission pour le Seigneur ! »

  Plus sérieusement, je me remémore les propos de l’agent immobilier qui nous a fait visiter, il y a quelques années, la maison que nous occupons actuellement à Avon et qui nous avait demandé « si cela ne nous gênait pas d’habiter près du cimetière ».

Avec le recul, cela m’interpelle, d’une certaine façon : je suis, certes, bien placé dans le cadre du service qui m’est confié (!)… mais les cimetières ne sont pas des endroits neutres et, contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, ce sont des lieux vivants : certains visiteurs s’y rendent tous les jours !

Et puis, cette proximité constitue une « piqûre de rappel » bien utile : la Vie est courte ! Autant en faire bon usage et la vivre dans une Espérance partagée …

Propos recueillis par Catherine Philippe