Bonjour Père Yves-Adrien KOUADIO !
Les « voleurs de troncs » n’ont qu’à bien se tenir, depuis votre arrivée, il y a 3 mois … car vous êtes ceinture noire, 3ème Dan, de judo !
(Rires) Oui, en effet, j’ai eu un parcours sportif !
J’ai commencé le judo lors de mon entrée au collège, en classe de sixième, à l’institut de la Jeunesse et des Sports d’Abidjan (INJSA).
J’ai progressivement gravi tous les échelons du club : minimes, cadets, juniors … et pris part à de nombreuses compétitions sportives nationales dans le cadre de l’OISSU (Office Ivoirien des Sports Scolaires et Universitaires). Champion national junior, j’ai été « surclassé » pour faire partie de l’équipe nationale espoir et j’ai même terminé 2ème toutes catégories des moins de 65 kgs. Présélectionné pour un stage de préparation pour les jeux olympiques, je n’ai pas pu obtenir ma qualification au niveau africain.
Comment êtes-vous passé du sport à la Congrégation des Eudistes*** ?
En terminale, j’ai découvert la chorale (45 jeunes qui animaient la messe) et j’ai préparé le sacrement de confirmation cette même année. C’est à ce moment là que j’ai rencontré les Eudistes qui dirigeaient notre paroisse.
Le curé, le Père René Jacques TRANOUILLE, aujourd’hui en France, ainsi que l’un de ses vicaires, le Père Jean Marie que nous aimions beaucoup, savaient parler aux jeunes, dont ils étaient très proches, jouant au ballon ou allant même, parfois, à la plage avec nous.
Cela m’a « accroché » et j’ai eu envie de devenir comme eux !
Vous êtes rentré tout de suite dans la Congrégation ?
Non : « il faut d’abord passer ton bac ! » m’ont-ils dit quand j’ai pris contact avec eux pour leur faire part de mon intention !
Inscrit ensuite à l’Université de biologie/médecine, pour y préparer un DEUG en Sciences de la Nature et de l’Environnement, le sport m’a rattrapé et, grâce au judo, j’ai pu être logé en cité universitaire, en tant que sportif de haut niveau.
Ma vie estudiantine était alors partagée entre mes trois pôles d’intérêt : mes cours, en journée, le judo et la chorale qui occupaient toutes mes soirées … si bien que mes voisins étudiants s’étonnaient de ne jamais me voir le soir !
L’aumônier de la Cité Universitaire était … un prêtre Eudiste !
Pour la licence, après l’obtention de mon DEUG, j’avais deux choix : poursuivre dans la même filière, en biologie, ou opter pour la médecine vétérinaire que j’aimais beaucoup, ce qui passait par un départ à l’étranger (Sénégal ou Belgique), la Côte d’Ivoire n’ayant pas encore d’école de médecine vétérinaire, dans le pays, pour cette formation …
A ce moment- là, je rencontre trois pères Eudistes qui m’interpellent de nouveau : « Où en es-tu, Yves ? Tu avais le projet de rentrer chez nous ? Passe et on va discuter ! »
C’est ainsi que je suis devenu aspirant : j’étais le seul. Autant dire que cela ne m’a pas « emballé » au départ !
Ce n’était pas simple, même d’en parler en famille : ma tante, qui est aussi ma marraine, me disait : « Tu es l’aîné (j’ai un frère et une sœur), ton père est décédé et ta mère compte sur toi ».
J’étais tiraillé …
Le curé de la paroisse m’a dit : « Va t’assoir devant le Saint Sacrement pour y voir plus clair »… C’est ce que j’ai commencé à faire très régulièrement pour enfin pouvoir affirmer : OUI, c’est bien cela que je souhaite !
Vous entrez alors au noviciat ?
Je suis aspirant, durant 2 ans et les Eudistes me proposent de continuer mes études : pourquoi pas une formation en gestion/finances, puisque j’avais encore deux ans avant de rentrer en maison de formation eudiste ? D’où un changement radical d’orientation.
Je choisis de m’inscrire pour faire un BTS dans une école de commerce et de gestion (CBCG)
Il fallait effectuer un stage à partir duquel rédiger un mémoire : les Eudistes m’ont trouvé une place dans un grand hôtel !!
Dès mon entrée en communauté de formation eudiste, j’ai commencé ma formation canonique à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO 2000-2007), selon le parcours habituel :
3 années de philosophie, puis 3 années de théologie, entrecoupées par un stage pastoral.
En juillet 2007, alors que je suis encore diacre, le nouveau provincial, un canadien, Bernard CANTIN qui vient d’être nommé à Abidjan, me sollicite pour être son secrétaire/assistant et économe pour la Province.
Je suis ordonné prêtre le 15 décembre 2008 et il m’envoie suivre une formation complémentaire d’un an, à Rome, dans une université de frères Maristes pour l’administration financière des congrégations religieuses.
En 2010, ne me sentant plus très à l’aise dans « un travail que je juge trop administratif », je demande à aller en paroisse et je suis nommé vicaire/économe dans une paroisse au nord du pays.
Mais la mission en paroisse ne dure pas …
Les supérieurs me demandent de revenir au Centre de Spiritualité Eudiste, à Abidjan où je suis chargé de l’animation et de la mise en place des sessions de formation en Gestion Financière des économes et des supérieurs des communautés de l’Afrique de l’Ouest.
Je suis également nommé assistant du supérieur.
Deux ans plus tard, alors que je viens d’être nommé intendant de l’Université CFMA, le nouveau provincial m’envoie en Colombie, à l’université catholique UNIMINUTO de Bogota (l’une des plus grandes universités Eudistes du continent) afin de faire un « Master en Administration des établissements d’éducation » et d’analyser le modèle universitaire en question : il s’agit de réaliser une étude de faisabilité pour transférer le modèle de cette université en Côte d’Ivoire.
En 2018, après un énorme travail, les clignotants sont au vert !
Nous avons obtenu l’agrément d’ouverture du premier siège de L’Institut Universitaire des Eudistes d’Afrique (IUTEA) dont je deviens le directeur administratif et financier.
Début 2019, souhaitant faire un « break », ( NB : j’aurais aimé pouvoir prendre une année sabbatique, en retournant dans la ville d’origine de mes parents – 35 clochers pour la paroisse – ne serait-ce que pour y assurer les célébrations régulière des messes dans le seul village – malheureusement les villageois n’avaient pas les moyens financiers de me prendre en charge une année durant) j’ai, sur les conseils de ma marraine, écrit au diocèse de Nanterre (certains membres de ma famille vivent dans le 92).
Après un an à la paroisse Sainte Marie des Fontenelles de Nanterre, j’ai obtenu la permission de mon supérieur à Rome, de prolonger mon apostolat dans une paroisse en France (disposition valable 3 ans, selon l’article 150 de nos constitutions et prolongé par le pape François à 5 ans) et me voici à Fontainebleau, avec une insertion antérieure de trois ans à Melun depuis septembre 2020.
Quelle est votre vision « eudiste » – si je puis dire – de votre mission en France ?
Je porte le souci de la formation des laïcs. Être croyant, c’est aussi avoir l’intelligence de sa Foi « Aime et comprends ce que tu crois » pourrait résumer la tâche à laquelle je m’attelle. Dans un monde aujourd’hui très relatif, si l’on veut éviter que les croyants soient ballotés entre différents courants, il faut une formation solide. « Donner à boire au peuple de Dieu » c’est leur donner les moyens de ne pas se laisser gangréner par toutes sortes de pensées qui assaillent notre univers contemporain.
La formation (théologique, liturgique et spirituelle) des laïcs est, à mes yeux, une priorité.
Je rencontre en France des personnes qui vivent profondément leur Foi, au sein de courants spirituels très divers. J’essaye d’être à l’écoute, d’apporter ma présence, de recevoir beaucoup des uns et des autres, dans une relation de confiance.
Il y a un proverbe africain qui dit : « Quand vous arrivez dans un village et que les gens dansent sur un seul pied, alors mettez-vous aussi à danser vous-même sur un seul pied : vous comprendrez plus tard pourquoi ils dansent sur un seul pied »
Quelles sont vos responsabilités dans le pôle ?
Je suis vicaire pour l’ensemble du pôle et prêtre référent pour Bois-le-Roi et Samois.
Prêtre référent également pour la confirmation, Aumônier du Lycée Saint Aspais et responsable de l’aumônerie des collèges.
Propos recueillis par Catherine Philippe
*** La congrégation de Jésus et Marie (appelée aussi « les Eudistes ») est une société de vie apostolique de droit pontifical.
Prêtres attentifs aux sans-voix, fidèles au charisme de saint Jean Eudes (1601-1680) de former des bons ouvriers de l’Evangile et des disciples-missionnaires, ils exercent leur apostolat notamment en paroisses, dans des établissements catholiques d’enseignement, dans des séminaires et centres spirituels.